Mercredi 16 déc 2020

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Principe d'apprentissage N°3: La capacité à suivre attentivement ses pensées et à contrôler son attention sont des conditions préalables à l’apprentissage.

Par Karen L. Taylor, Directrice de l'Education et de l'Institut d'enseignement et d'apprentissage, Ecolint

J’ai eu une fois une élève - appelons-la Daisy - qui, en classe, s’asseyait sur le rebord de la fenêtre et tricotait pendant la leçon. C'était une penseuse très créative et une excellente tricoteuse; ce n’était pas une élève particulièrement forte sur le plan scolaire. Dans les réunions d'enseignants, certains de ses professeurs se plaignaient du fait qu'elle était inattentive, voire irrespectueuse. Je vais mettre de côté la question du respect, car je pense que cela concerne davantage l’enseignant que Daisy. Le fait est que Daisy ne pouvait se concentrer sur ce qui se passait en classe que lorsqu'elle tricotait. Elle en était consciente et elle a donc persisté, même quand elle a rencontré la résistance des adultes. Aujourd'hui, nous dirions que Daisy possédait un certain degré de conscience métacognitive. Et une bonne dose de volonté.

Alors, qu’est-ce que l’attention exactement et pourquoi est-elle importante? 

Nous parlons souvent de l’engagement des élèves. De nombreux chercheurs mentionnent l’importance de l’engagement actif dans l’apprentissage. Cependant, l’attention et l’engagement peuvent différer selon l’élève. Nous pouvons même nous tromper en jaugeant le niveau d'engagement des élèves. Un élève peut regarder par la fenêtre un oiseau perché dans l’arbre à côté du bâtiment de l’école (ou tricoter) et être attentif à la leçon, tandis que tel autre élève qui semble vous regarder et hoche la tête ne l’est pas. Lorsque nous pensons à l’engagement, nous devrions penser à l’engagement cognitif (Tokuhama-Espinosa, 2014).

L’un des défis de l’enseignement consiste à capter l’attention des élèves lorsqu’ils entrent en classe et à la conserver. Ce qui signifie être conscient de la durée et des cycles de l’attention par rapport au rythme de la leçon. On peut alors penser à l’attention en termes de durée mais aussi en termes de concentration. L’objectif étant de créer un environnement dans lequel on parvient à une attention et une concentration soutenues  des élèves pour améliorer leur apprentissage.

Les fonctions exécutives et les compétences d’autogestion permettent à notre cerveau de filtrer les informations afin de se concentrer sur ce qui est important et d’éviter les distractions. Comme l’écrivait déjà William James en 1890, l’attention « implique le retrait de certaines choses afin de traiter efficacement d’autres ». En tant qu’enseignants, nous pouvons aider les élèves en étant explicites. Nous pouvons nous assurer de fixer des objectifs d’apprentissage clairs et d’établir des tâches et des activités qui évitent la surcharge cognitive. Ainsi, nous facilitons la capacité de nos élèves à sélectionner et à classer les informations, à identifier les concepts clés, à être attentifs à ce qui est important et à s’en souvenir.

L’attention et la mémoire sont liées. Il y a moyen de structurer notre enseignement pour faciliter l’intégration des connaissances dans la mémoire à long terme des élèves. La mémorisation par cœur n’est pas le but de l’éducation. Dans le même temps, la mémorisation de l’information peut être importante pour asseoir des connaissances fondamentales qui peuvent ensuite être utilisées pour une réflexion et un raisonnement d’ordre supérieur. Et lorsque le contexte et le médium d’enseignement varient, les élèves ont plus de repères pour récupérer ces connaissances (Kang, 2016).

C'est en forgeant qu'on devient forgeron, selon le vieil adage. Plus on pratique, mieux c'est. Mais aussi avec un certain timing et de l’espacement. La pratique et la répétition nous aident à assimiler les connaissances que nous conservons dans notre mémoire à long terme. La répétition espacée du contenu et l’entrelacement (séquences de contenu sur lesquelles on revient dans d'autres configurations) favorisent la rétention à long terme des connaissances et contribuent à la résolution de problèmes et au transfert des connaissances d’un domaine à un autre (Kang, 2016).

Stanislas Dehaene fait référence à un cycle utile et naturel de notre cerveau : prédiction, rétroaction, correction, nouvelle prédiction (Dehaine, 2013). Les erreurs dérivées de l’expérience sont essentielles pour apprendre, tout comme, peut-être ironiquement, l’oubli. De Bruyckere (2018) nous rappelle la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus (1885) : « le contenu qui a été appris, oublié, puis réappris est plus rapidement et plus fermement rétabli dans la mémoire » (p. 52). Le défi est une planification à long terme qui facilite l’attention des élèves en tant qu'élément central. L’apprentissage fondé sur les concepts dans un curriculum en spirale, où les concepts clés sont répétés avec des couches de complexité plus profondes dans de multiples contextes, peut nous donner les moyens d'y parvenir. Il en va de même pour la collaboration avec les enseignants d’autres disciplines, afin que la répétition des concepts ait lieu non seulement dans notre propre classe, mais dans l’ensemble du programme.

Eléments à prendre en compte:

  • Mes élèves font-ils preuve de participation dans leur apprentissage (l’engagement peut être intellectuel, social et/ou physique) ?
  • Suis-je conscient-e des cycles d’attention et d’intérêt par lesquels passent la réflexion des élèves ?
  • Utilisons-nous les périodes d’apprentissage pour acquérir de nouvelles connaissances et découvrir de nouvelles possibilités de résolution de problèmes ?

Lectures suggérées 

  • Bruyckere, P. D. (2018). The ingredients for great teaching. SAGE.
  • Chanquoy, L., Tricot, A., & Sweller, J. (2007). La charge cognitive: Théorie et applications. Armand Colin.
  • Dehaene, S. (2013). Les quatre piliers de l’apprentissage, ou ce que nous disent les neurosciences. Paris Tech Review. http://www.paristechreview.com/2013/11/07/apprentissage-neurosciences/.
  • James, W. (1890). The principles of psychology, by William James. Holt.
  • Kang, S. H. (2016). Spaced Repetition Promotes Efficient and Effective Learning. Policy Insights from the Behavioral and Brain Sciences, 3(1), 12-19. doi:10.1177/2372732215624708
  • Musial, Manuel, et al. (2012) Comment Concevoir Un Enseignement? De Boeck.
  • Sherrington, T. (2020). Rosenshine’s Principles in Action. John Catt Educational.
  • Tokuhama-Espinosa, T. (2014). Making classrooms better: 50 practical applications of mind, brain, and education science. W.W. Norton & Company.
  • Tokuhama-Espinosa, T. (2011). Mind, brain, and education science: A comprehensive guide to the new brain-based teaching. W.W. Norton.