Jeudi 21 Sep 2023

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Le monde est petit

Karen Taylor, Directrice de l’éducation, Directrice de l’Institut de l’Ecolint, Ecole Internationale de Genève

(Photo : Panel de photos d'étudiants pour le 60e anniversaire de l'UFPA, 2017. Photos d'Octavio Cardoso)

Il y a quelque chose d'étrangement réconfortant lorsque vous réalisez que vous n’êtes pas seul(e) à relever les défis auxquels vous êtes confronté(e)s. Il est tout aussi réconfortant de savoir que vous partagez des valeurs similaires avec d'autres éducateurs et éducatrices, même si vos contextes sont très différents. 

Un certain nombre de thèmes prévalent dans le discours actuel sur l'éducation. Parmi eux figurent l'inclusion, l'interculturalité, la transdisciplinarité et la nécessité de repenser notre approche de l'évaluation de l'apprentissage des élèves. Il y en a d'autres, bien sûr, mais ce sont les thèmes qui me viennent le plus souvent à l'esprit. Ce sont également des domaines importants pour l'Ecolint. Il y a quelques jours, j'ai découvert que je partageais ma passion pour ces sujets avec de fantastiques collègues de l'Université fédérale de Pará à Belém, au Brésil. 

Le professeur Abdeljalil Akkari de l'Université de Genève et moi-même avons été invités à partager nos réflexions sur la flexibilité, l'interdisciplinarité et la citoyenneté mondiale dans l'enseignement supérieur avec des dirigeants d’université, alors qu'ils s'apprêtent à imposer une exigence transdisciplinaire aux étudiants de premier cycle. Il s'agit d'une démarche majeure en matière de gestion du changement ; elle représente également un engagement de la part des équipes dirigeantes des universités à rendre l'expérience d'apprentissage de leurs étudiants plus pertinente que par le passé et être mieux à même de les préparer pour l'avenir. Nos collègues brésiliens se sont intéressés au travail entrepris par l'Ecolint en collaboration avec l' UNESCO - BIE : notre engagement envers les sept macro-compétences de l'UNESCO, l'accent que nous mettons sur l'inclusion, l'éducation à la paix, à la durabilité, et à la citoyenneté mondiale.

Un peu comme l'Ecolint, mais à une échelle beaucoup plus grande, l'UFPA n'est pas une simple université, mais 12 campus avec plus de 50’000 étudiants qui forment un ensemble diversifié. Les campus sont très étendus et le corps étudiant est ethniquement et linguistiquement diversifié. J'ai appris, par exemple, qu'on ne parle pas d'Amazonie, mais d'Amazonies.

L'UFPA est confrontée à des questions similaires aux nôtres :

  • Comment développer un environnement d'apprentissage pleinement inclusif qui respecte et tire parti de la richesse des origines de ses étudiants ? 
  • Comment repenser les programmes d'études ?
  • Comment briser les cloisonnements disciplinaires ?
  • Comment adopter des approches pédagogiques adaptées à un environnement en mutation?

L'UFPA est aussi attachée à la diversité et à l'inclusion que nous le sommes. L'intégration d'étudiants indigènes et quilombolas(1), dont beaucoup sont nouveaux dans la vie universitaire, offre une occasion intéressante de reconsidérer l'évaluation. Comment ces étudiants pourraient-ils démontrer leur apprentissage sous des formes non académiques traditionnelles ? Ne s'agit-il pas d'une occasion de démontrer la valeur des traditions orales ? À l'avenir, les étudiants de Pará ou d'ailleurs jugeront-ils nécessaire, voire pertinent, de produire des écrits académiques selon les méthodes traditionnelles ? C'est une question provocatrice, je vous l'accorde, mais qui mérite peut-être réflexion.

Belém accueillera la COP 30 en 2025. J'ai entendu des collègues s'inquiéter du fait que le point de vue de ceux qui vivent en Amazonie pourrait ne pas être suffisamment pris en considération. La question du savoir indigène (son importance et sa négligence) a été un sujet de conversation récurrent. J'ai été frappée par le fait que l'UFPA se trouve dans une position unique pour remettre en question de manière positive les hiérarchies contemporaines du savoir, qu'elles soient linguistiques, culturelles ou autres. 
 
Une autre question fascinante, qui ne se limite pas à l'UFPA, s'est posée. Comment aider les praticiens, en l'occurrence les professeurs d'université, à faire tomber les barrières entre les disciplines ? À plusieurs reprises, des personnes ont fait part de leur malaise à accueillir des étudiants d'autres disciplines dans leurs salles de classe. Que se passerait-il s'ils n'étaient pas en mesure de répondre à leurs questions ? Le recteur de l'université et son équipe ont reconnu que le succès de leur projet dépendra en partie de l'aide apportée aux professeurs pour qu'ils s'adaptent au changement. 

Je parle souvent de ma conviction que nous-mêmes, praticiens désireux de transmettre aux étudiants une soif permanente d’apprendre, devons nous habituer à être à l'aise avec l'inconfort, l'incertitude et la vulnérabilité. C'est aussi difficile à Belém qu'à Genève, et pourtant, quel bénéfice pour les étudiants si nous pouvions ouvrir nos portes les uns aux autres dans un esprit d'exploration et de découverte intellectuelle collective ! C'est certainement ce que j'ai ressenti en échangeant avec nos collègues de l'UFPA.
 


 (1) Les publications de l'UFPA indiquent que 85% des étudiants de l'UFPA sont économiquement vulnérables, 72% viennent d'écoles publiques et 85% sont noirs ou indigènes.