Jeudi 06 mai 2021

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Principe d’apprentissage N°8: L’apprentissage progresse grâce à un feedback efficace

Par Karen L. Taylor, Directrice de l'Education et de l'Institut d'apprentissage et d'enseignement

Ce que j’aime à propos de l’image ci-dessus, c’est la façon dont elle transmet un sentiment de mouvement collaboratif qui va de l’avant - la direction que je crois que nous voulons prendre lorsque nous travaillons avec nos élèves pour améliorer l’apprentissage - le leur et le nôtre.

Dans un article précédent (Principe d’apprentissage N°2), je me remémorais d’un cours d’histoire de classe 9 et de la façon dont j’avais annoncé aux parents qu’il n’y aurait pas de tests, seulement des essais, et que nous nous concentrerions sur l’écriture analytique basée sur notre lecture des sources primaires. Je m'étais engagée à aider mes élèves à découvrir la richesse du contact direct avec les sources historiques. J’étais tout aussi passionnée à l’idée de les aider à développer des compétences qui pourraient être transférables à d’autres domaines; ils allaient apprendre à penser et à écrire. Même si je souhaitais qu’ils deviennent tous des historiens en herbe, je reconnaissais bien que ce n’était probablement pas le cas! 

Quand j’ai annoncé qu’il n’y aurait pas de tests dans ma classe, j’ai aussi partagé une politique connexe. Tous les élèves auraient la possibilité de réécrire leur essai, autant de fois qu’ils le souhaitent, mais dans un délai donné, en fonction de mes commentaires - mon feedback. Les premières questions émanant des élèves et de leurs parents étaient invariablement : Est-ce que cela va changer ma note? Est-ce que ce sera une moyenne des notes? J’ai répondu que si l’élève méritait une nouvelle note, c’est ce qu’il recevrait, et non une moyenne. Cependant, ils devaient être conscients que leur note pourrait aussi baisser.

Le feedback par rapport aux notes

La question des notes est importante. Le feedback et les notes ne sont évidemment pas la même chose, bien que les lignes ont parfois tendance à se brouiller. Comme l’a si bien écrit Alfie Kohn (1994), il ne faut « jamais noter les élèves pendant qu’ils apprennent » (p. 41). Une fois que les élèves voient une note, ils ont tendance à ignorer tout commentaire, alors il vaut mieux mieux séparer ces deux composantes.

Comme on le sait, le feedback peut porter sur le processus ou le produit, il peut être proposé sur les évaluations formatives et sommatives. Ce qui importe, c’est la croissance et le développement. Dans un monde idéal, le feedback et l’instruction sont interreliés et multidirectionnels. Mais j’y reviendrai.

J’aimerais pouvoir dire que mes politiques destinées aux classes 9 étaient fondées sur la recherche. La vérité est que j’étais un professeur novice en ce qui concerne les élèves du secondaire, alors que ma formation s’était déroulée dans l’enseignement universitaire. Les politiques étaient fondées sur ce que je croyais être du bon sens. C’était il y a longtemps, bien avant l’article phare de Hattie et Timperly intitulé « The Power of Feedback » (2007). Depuis, la recherche sur l'efficacité du feedback s’est considérablement développée. Bien que je reste fidèle à mon intuition de novice, je sais maintenant qu’il y a des façons d’améliorer la qualité de mes commentaires aux élèves et d’être plus consciente de ceux qu’ils auraient pu eux-mêmes me donner.

Ce que j’ai appris depuis, c’est comment m’assurer que le feedback que j’offre aux élèves porte précisément sur la façon d’améliorer leur travail et, c'est peut-être le plus important, qu'il soit sous forme de questions plutôt que sous forme d'instructions. Que nous choisissions de donner des commentaires sous forme écrite ou orale est moins important que

  • décomposer l’apprentissage en étapes progressives;
  • donner aux élèves le temps d’améliorer leur travail par la suite.

Pendant toutes ces années, j’ai peut-être écrit en marge de l'essai d'un élève quelque chose comme « a besoin de plus de profondeur » ou « formulation faible ». Maintenant, je dirais : «Vous avez décrit clairement ces deux sources. Il faut à présent réfléchir à la façon d’en faire une analyse comparative. De quelle façon les sources diffèrent-elles sur le plan de la perspective? Qu’ont-elles en commun qui reflète le contexte historique?

Dans Visible Learning for Teachers, John Hattie (2012) offre un certain nombre d’exemples utiles des types d’amorces (organisation, élaboration et suivi des progrès) pouvant guider les élèves dans leur apprentissage tout en leur laissant l’espace dont ils ont besoin pour développer une maîtrise de cet apprentissage. La clé avec toutes les amorces est non seulement d’obtenir l’amorce relative à la phase d’apprentissage, mais aussi de savoir quand la retirer - c’est-à-dire quand s’effacer, ou permettre à l’élève d’assumer plus de responsabilités. (Hattie, 2012, p. 144). Aider les élèves à se fixer des objectifs de maîtrise stimulants et à surveiller leurs progrès contribuera à leur développement en tant qu’apprenants autonomes.

"Juste à temps, juste pour moi, juste où j'en suis dans le processus d'apprentissage et juste ce qu'il me faut
pour avancer"  (Hattie, 2012, p. 137)

Idéalement, en tant qu’éducateurs, nous utilisons habilement le questionnement pour amener les élèves dans leur zone de développement proximal, cet espace qui se trouve juste au-delà mais pas trop loin de l’endroit où ils se trouvent dans leur parcours d’apprentissage (principe d’apprentissage 7). En fait, l’idée d’aller de l’avant est au cœur de tout le processus de feedback qui vise à appuyer le développement des élèves par rapport à ces trois questions clés :

  • Où est-ce que je vais?
  • Comment vais-je m’y prendre?
  • Quelle est la prochaine étape?

La documentation sur l’évaluation et le feedback renvoie aussi fréquemment à quatre niveaux sur lesquels le feedback peut porter :

  • Tâche
  • Processus
  • Auto-régulation
  • Soi-même

Les trois premiers niveaux consistent à faire passer les élèves par des couches de complexité (voir le principe d’apprentissage 1) au fur et à mesure qu’ils acquièrent des compétences et des stratégies métacognitives qui, au bout du compte, contribuent à leur autonomie et à leur capacité d’agir en tant qu’apprenants. Fait intéressant, le quatrième élément, le soi, est, à certains égards, le plus problématique. 

Parfois, nous brouillons les frontières entre le feedback propre à la tâche et les éloges, par exemple, alors que ce que nous devrions viser, c’est de faire la distinction entre le travail et la personne afin de fournir un « feedback axé sur la tâche plutôt que sur l’ego » (William, 2011, p. 110). « Le feedback doit susciter la réflexion » (p. 127). Autrement dit, ce que nous cherchons, c’est de fournir un feedback qui induise une réponse cognitive, et non émotionnelle. En même temps, cela n’est possible que lorsque la culture de la classe est une culture de confiance, où chaque élève et l’enseignant se sentent en sécurité pour reconnaître les erreurs et l’incertitude (voir le principe d’apprentissage 4). Si nous voulons collaborer au sein d’une communauté d’apprentissage composée d’enfants et d’adultes, alors, en tant qu’éducateurs, nous devons être en mesure de modéliser ce que nous attendons de nos élèves. Offrons-nous aux élèves la possibilité de nous faire part de leurs commentaires?

Comme je l’ai mentionné plus tôt, idéalement, l’enseignement et le feedback sont interreliés et multidimensionnels. Cela signifie qu’il faut considérer l’évaluation continue comme un feedback pour les enseignants (Hattie, 2012). Cela suggère également que nous considérions le feedback entre pairs comme étant tout aussi important, parfois même plus, que le feedback des enseignants. Tout comme les enseignants travaillent à perfectionner leurs compétences en posant des questions et en fournissant des conseils aux élèves, ces derniers ont aussi besoin d’un cadre pour fournir un feedback de qualité les uns aux autres. Des grilles bien conçues, donnant aux élèves les mots et les outils pour le faire, peuvent se traduire par des expériences d’apprentissage puissantes et durables.  

Un feedback de qualité est précis, ciblé, opportun, réalisable, authentique et crédible.

Eléments à prendre en considération (adapté de Hattie, 2012, p. 210):

  • Est-ce que je fournis un feedback en lien avec les trois questions clés : « Où vais-je? » ; « Comment vais-je m’y prendre? » ; et « Où allons-nous ensuite? »
  • Dois-je tenir compte des niveaux de feedback: tâche, processus, autorégulation et autonomie?
  • Est-ce que je fais bien la distinction entre éloges et commentaires?
  • Est-ce que je cherche à comprendre si les élèves sont réceptifs au feedback que je donne?
  • Est-ce que je vérifie si les élèves ont bien compris et modifie mon enseignement en réponse à leurs commentaires?
  • Est-ce que je reconnais la valeur du feedback entre pairs et que j’enseigne explicitement à mes élèves comment s’y prendre de façon appropriée?

Ressources utiles

Lectures suggérées

  • Brooks, C., Burton, R., Kleij, F. V., Carroll, A., Olave, K., & Hattie, J. (2021). From fixing the work to improving the learner: An initial evaluation of a professional learning intervention using a new student-centred feedback model. Studies in Educational Evaluation, 68, 100943. doi:10.1016/j.stueduc.2020.100943
  • Black, P.J., & William, D. (2009). Developing the theory of formative assessment. Educational  Assessment, Evaluation and Accountability, 21(1), 5-31.
  • Bruyckere, P. D., & Willingham, D. T. (2018). The ingredients for great teaching. SAGE.
  • Harris, L. R., Brown, G. T., & Harnett, J. A. (2014). Analysis of New Zealand primary and secondary student peer- and self-assessment comments: Applying Hattie and Timperley’s feedback model. Assessment in Education: Principles, Policy & Practice, 22(2), 265-281. doi:10.1080/0969594x.2014.976541
  • Hattie, J. (2017). L'apprentissage visible pour les enseignants: Connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. Presses de l'Université du Québec.
  • Hattie, J. (2012). Visible learning for teachers: Maximizing impact on learning. Routledge.
  • Hattie, J.A.C. & Timperley, H. (2006) The Power of Feedback. Review of Educational Research, 77(1), 81-112.
  • Hendrick, C., Macpherson, R., & Caviglioli, O. (2019). What does this look like in the classroom?: Bridging the gap between research and practice. John Catt Educational.
  • The Power of Feedback. (2014). doi:10.4324/9781315813875
  • Kohn, A. (1994). Grading: The issue is not how but why. Educational Leadership, 52(2), 38-41.
  • William, D. (2011). Embedding Formative Assessment. Solution Tree Press.
  • Wisniewski, B., Zierer, K., & Hattie, J. (2020). The Power of Feedback Revisited: A Meta-Analysis of Educational Feedback Research. Frontiers in Psychology, 10. doi:10.3389/fpsyg.2019.03087