Mardi 12 Jan 2021

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Principe d’apprentissage N°4: L’erreur est une part normale, inévitable et même féconde de l’apprentissage

Par Karen L. Taylor, Directrice de l'Education et de l'Institut d'enseignement et d'apprentissage, Ecolint

Vous, connaissant vos erreurs, corrigerez vos œuvres et où vous trouverez des erreurs, les amenderez et vous vous rappellerez de ne plus y retomber.
- Léonard de Vinci, Thoughts on Art and Life

Les vues de Leonardo da Vinci sur l’importance de comprendre et de corriger ses erreurs sont tout aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a 500 ans. Cependant, ce n’est pas toujours aussi facile que cela en a l’air. L’environnement de la classe est essentiel pour créer les conditions permettant aux élèves de considérer les erreurs comme des occasions d’apprendre.

La lutte, la fuite ou l'inihibition sont toutes des réponses physiologiques naturelles au stress qui peuvent être plus ou moins productives selon les circonstances. Elles constituent un mécanisme de survie qui fait partie de la composition humaine depuis la nuit des temps. Dans le lointain passé de l'être humain, commettre une erreur pouvait signifier la vie ou la mort, donc apprendre de nos erreurs était essentiel. En classe, nous espérons ne pas penser à une menace physique. Cependant, l’inconfort associé à l’erreur d'une réponse peut créer un autre type de stress chez les élèves et nous savons que le stress négatif inhibe l’apprentissage. Il est peut-être utile de penser en termes de stress (potentiellement négatif) ou de défi (potentiellement positif). Notre but en tant que praticiens est de façonner les circonstances de l’apprentissage dans nos classes de telle sorte que les processus cognitifs, les façons dont notre cerveau fonctionne naturellement, sont favorables à l’apprentissage des élèves.

L’idée que commettre des erreurs fait partie intégrante de l’apprentissage n’est évidemment pas nouvelle. Da Vinci savait que comprendre et corriger ses erreurs sur la base de cette compréhension est un moyen de progresser. Pendant longtemps, cependant, la culture des écoles considérait les erreurs comme un échec. Donner la mauvaise réponse était une source de honte et d’embarras. Il pouvait en résulter une réaction de combat, de fuite ou d'inhibition. Cependant, des recherches récentes suggèrent que nous devrions voir les erreurs sous un angle différent.

Pourquoi est-ce important? 

Dans une école où j’ai enseigné, une visite des admissions s’est une fois arrêtée quelques minutes dans une classe de maths pour observer les élèves au travail. Un garçon a levé les yeux et a dit: « Nous sommes la classe des stupides ». Heureusement, il a utilisé un ton ironique ; il a fait en sorte que cela ressemble à une blague. Les parents des futurs élèves ont vaillamment continué leur tour, mais je n’ai jamais oublié cet incident. L’enseignante de ce jeune homme est une éducatrice sensible dont la classe est inclusive. Elle est patiente et compétente. La déclaration qu'a lancé l’élève aux familles pendant la tournée n’était donc pas un reflet de son enseignement, mais plutôt autre chose.

Nous savons tous que les élèves (n’importe lesquels, vraiment) peuvent répondre au défi de différentes façons. Il y a des élèves comme celui de l’histoire ci-dessus qui « n’acceptent pas ». Ce sont les élèves qui sont susceptibles d’abandonner ou même de ne pas du tout essayer. D’autres « évitent l’échec » et peuvent trouver des excuses pour expliquer pourquoi ils n’ont pas réussi. Ils peuvent mettre l’échec sur le compte de la procrastination, ou prétendre ne pas s’en soucier, ou encore dire qu’ils n’ont pas eu le temps d’étudier. Ils se soucient de préserver leur image. Enfin, il y a ceux dont l’approche de l’apprentissage est « axée sur la maîtrise ». Ce sont les élèves qui cherchent à comprendre leurs erreurs et pourquoi ils les ont faites et qui utilisent cette information pour développer de nouvelles stratégies d’apprentissage. Ils développent une conscience métacognitive.

Traitement cognitif de l’erreur

La réaction de lutte, de fuite ou d'inhibition est liée à ce que nous anticipons des circonstances dans lesquelles nous nous trouvons. Nos cerveaux sont programmés pour prédire les résultats futurs. Dehaene (2013) fait référence à un cycle naturellement récurrent qui commence dans l’enfance et qui comporte des prédictions, des rétroactions, des corrections et de nouvelles prédictions. Notre cortex préfrontal traite l’information et intègre les erreurs dans ces nouvelles prédictions. Lorsque nous faisons une erreur, les synapses s'allument dans notre cerveau. Quand on a du mal à apprendre quelque chose, les neurones font des connexions qui renforcent les voies neuronales. Comme le dit Jo Boaler, « les erreurs sont de l'aprentissage en action », ou, du moins, elles devraient l’être. La compréhension de l’erreur des élèves est tout aussi bénéfique pour les enseignants, car les zones de difficulté qui se répètent année après année peuvent éclairer les pratiques d’enseignement et améliorer l’échafaudage pédagogique.

En tant que formateurs et formatrices, nous pouvons aider les élèves à analyser la source de l’erreur, le raisonnement derrière une erreur et la raison pour laquelle elle a été commise; nous pouvons aider nos élèves à déconstruire leurs erreurs et, ce faisant, non seulement à les mener vers la « bonne réponse », mais aussi à nourrir leur curiosité. contribuer à une plus grande auto-efficacité et développer leur conscience métacognitive.

Si, comme certains chercheurs le suggèrent, « tous les apprentissages sont fondés sur la capacité de corriger soi-même » (Tokuhama-Espinosa, 2014, p. 236), alors nous devrions travailler à créer un environnement de classe qui encourage les essais et les erreurs, un espace qui favorise la pensée créative et productive (Newton, 2013). Il suffit de penser à l’évolution des sciences naturelles. Dans Failure : Why Science is so Successful (pas de science sans échec), Stuart Firestein (2015) qualifie l’échec de « portail de l’inconnu », car il amène les scientifiques à poser de nouvelles questions. Analyser pourquoi vous avez échoué à quelque chose implique la pensée critique. Dans le bon environnement, le cerveau humain grandit et se développe en réponse au défi.

Le conflit cognitif (et les erreurs) est sain pour le cerveau. Tester des hypothèses, par exemple, est un outil puissant pour l’apprentissage (Bruner, 1973). Il permet aux étudiants d’affiner leurs connaissances, ce que Piaget a appelé l’« accommodement » et les théoriciens du schéma comme « restructuration » (Marziano, 2007, p. 87). Marziano suggère que ce type de changement significatif dans les structures de la connaissance peut être favorisé par l’apprentissage par problèmes.

Un mot de prudence, cependant. Nous voulons que les élèves apprennent de leurs erreurs, et non que les erreurs s'enracinent. D’où l’importance de vérifier la compréhension et la qualité du feedback. Créer une culture de classe positive qui invite les élèves à prendre des risques intellectuels et qui les aide à voir les erreurs et les idées fausses comme des occasions d’apprendre, réduira le stress négatif et encouragera l’auto-motivation. Il nous aidera à faire passer les élèves de l’acceptation ou de l’évitement de l’échec à l’orientation maîtrisée.

Eléments à prendre en considération:

  • Est-ce que nous utilisons les erreurs ou les fausses idées comme des occasions d’apprendre?
  • Le climat de la classe favorise-t-il la prise de risque intellectuel?

Lectures suggérées

  • Astolfi, J. (2011). L'erreur, un outil pour enseigner. ESF éditeur.
  • Boaler, J. (2019) Limitless Mind: Learn, Lead, and Live Without Barriers. Harper One.
  • Baruk, S. (1986). Échec et maths. Ed. du Seuil.
  • Boaler, J. (2016). Mathematical mindsets: Unleashing students' potential through creative math, inspiring messages, and innovative teaching. Jossey-Bass & Pfeiffer Imprints.
  • Bruner, Jerome S. (1973). The Process of Education. Harvard University Press.
  • Chanquoy, L., Tricot, A., & Sweller, J. (2007). La charge cognitive: Théorie et applications. Armand Colin.
  • Dehaene, S. (2013). Les quatre piliers de l’apprentissage, ou ce que nous disent les neurosciences. Paris Tech Review. http://www.paristechreview.com/2013/11/07/apprentissage-neurosciences/.
  • Firestein, S. (2015). Failure: Why Science is So Successful. Oxford University Press.
  • Marziano, R. (2007). The Art and Science of Teaching. ASCD. 
  • Metcalfe, J. (2017). Learning from Errors. Annual Review of Psychology, 68(1), 465-489. doi:10.1146/annurev-psych-010416-044022
  • Moser, Jason S., et al. “Mind Your Errors.” Psychological Science, vol. 22, no. 12, 2011, pp. 1484–1489., doi:10.1177/0956797611419520.
  • Newton, L. D. (2013). From teaching for creative thinking to teaching for productive thought: An approach for elementary school teachers. International Centre for Innovation in Education.
  • Rosier, F. (2018, September 14). "L'erreur est la condition même de l'apprentissage". Retrieved from https://www.letemps.ch/sciences/lerreur-condition-meme-lapprentissage
  • Tokuhama-Espinosa, T. (2014). Making classrooms better: 50 practical applications of mind, brain, and education science. W.W. Norton & Company.