Lundi 05 déc 2022

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Repenser la relation entre l'apprentissage et l'évaluation

Karen Taylor, PhD., Directrice de l’éducation et de l’Institut d’apprentissage et d’enseignement, École Internationale de Genève

L'évaluation comme pont entre l'enseignement et l'apprentissage - Dylan Wiliam*

Lors d'une récente journée pédagogique, j'ai eu la chance d'assister avec des collègues à une session sur l'évaluation animée par Stuart Kime de Evidence Based Education. Si vous connaissez Stuart, vous savez pourquoi je me suis sentie privilégiée d'être là. Expert en recherche sur l'évaluation, il est également un orateur passionnant. Chaque fois que je l'écoute, j'ai l'impression d'apprendre quelque chose de nouveau ou de me rappeler quelque chose d'important sur le lien entre l'apprentissage et l'évaluation que j'avais reléguée au fond de ma mémoire. Deux choses en particulier m'ont frappée pendant cet atelier. La première a été le commentaire d'un collègue qui a dit "Nous avons suivi ce cours en 2018 !". L'autre était la manière dont Stuart m'a incitée à repenser la relation entre les pratiques d'évaluation et la métacognition.

Ces dernières années, les éducateurs ont été exposés à maintes reprises à des théories sur l'évaluation de qualité et sur le feedback efficace pour soutenir l'apprentissage. De nombreux systèmes éducatifs continuent malheureusement de fonctionner sur la base d'évaluations comportant des enjeux importants. Malgré cela, nous sommes nombreux à souligner l'importance de l'évaluation formative par rapport à l'évaluation sommative dans notre pratique. Nous citons fréquemment Dylan Wiliam et John Hattie**. C'est presque une évidence. Je crois que, pour la plupart, nous essayons d’élaborer pour nos élèves des évaluations bien conçues, destinées à montrer où en sont les élèves par rapport à un objectif d'apprentissage donné. En notant que nous avions déjà fait cette formation, ma collègue avait donc en partie raison. Elle a admis qu'elle avait choisi de participer à cette session parce qu'elle voulait un rafraîchissement, tout comme moi. Elle nous a également poussés à réfléchir au degré d'alignement de notre pratique quotidienne sur certains des principes de base de l'évaluation décrits dans la politique de notre école : 

  • L'évaluation est continue.
  • L'évaluation est conçue à dessein.
  • L'évaluation s'appuie sur une série d'approches : elle est formative et sommative,
  • complète et différenciée.
  • L'évaluation favorise la conscience métacognitive, l'autoréflexion et l'autonomie des élèves.
  • L'impact de l'évaluation est étudié et il vient nourrir de manière appropriée la pratique pédagogique.
  • L'évaluation permet des conversations constructives sur l'apprentissage des élèves.

Ce que j'ai retiré de cette session, c'est une sorte de recentrage de ma pensée sur l'évaluation en tant que processus fructueux et significatif qui, idéalement, mène à des conversations avec les élèves sur le développement de leur apprentissage, sur quelque chose de concret, que ce soit une fonction algébrique, une leçon sur le langage figuratif ou les théories du mouvement. Pour que ces conversations sur le développement puissent avoir lieu, il faut qu'il y ait une relation de confiance entre l'élève et l'enseignant, et que l'élève soit convaincu qu’il ne sera pas jugé dans sa globalité d’être humain sur la seule base de sa compréhension d’un contenu.

Idéalement, toute évaluation que nous élaborons devrait contribuer à faire des élèves des apprenants plus indépendants. C'est là que la conscience métacognitive entre en jeu. Si nous sommes explicites sur notre pratique (pourquoi faisons-nous ce que nous faisons ?), nous pouvons aider les élèves à développer des stratégies d'apprentissage qui reflètent notre compréhension de la cognition humaine. Que se passerait-il si un élève du secondaire pouvait, de son propre chef, espacer ses révisions avant une évaluation au lieu de rester debout tard la veille ? La répétition espacée que nous intégrons dans nos leçons aurait pu être abordée de manière explicite et pourrait ainsi faire partie de sa pratique. 

En ce moment, de nombreux débats portent sur le changement radical d’approche en matière d'évaluation, comme la Coalition to Honour All Learning, qui cherche à développer des systèmes pour évaluer les élèves de manière plus holistique. En attendant de pouvoir changer complètement la donne, nous pouvons au moins nous rappeler qu'un test n'est qu'un événement, un instantané réalisé à un moment donné, qui peut ou non révéler le niveau de connaissance et de compréhension d'un élève. Pour donner plus de sens à notre travail et au vécu de nos élèves, peut-être devrions-nous exploiter d’avantage la valeur d'une conversation ouverte et collaborative avec eux sur la façon dont les êtres humains apprennent, sur la relation entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme, et sur l’importance du repos dans le pouvoir de concentration, celui-ci permettant de nous rappeler les informations apprises et de trouver de nouvelles façons d’utiliser nos connaissances.

Références

*Wiliam, Dylan. (2013). Assessment: The bridge between teaching and learning. Voices from the Middle. 21. 15-20. 

**Hattie, J. (2012). Visible learning for teachers. London and New York: Routledge.